Égypte : les élections confisquées…

Free Birtukan
La belle euphorie du printemps arabe du début de l’année 2011 est retombée comme un soufflet en Égypte.Le pouvoir militaire est aujourd’hui accusé de confisquer le pouvoir au peuple et ce malgré la tenue d’élections présidentielles.

La pression monte dans la rue

Après la triste farce de 2005, qui avait vu Hosni Moubarak remporter la première présidentielle multipartite depuis 1954 avec 89% des suffrages, les Égyptiens pourraient bien perdre définitivement le goût de se rendre aux urnes. La faute, cette fois-ci, au Conseil supérieur des forces armées (CSFA) à la tête du pays depuis la chute du vieux Raïs le 11 février 2011. Pendant que les deux candidats du second tour des 16 et 17 juin dernier, l’Islamiste Mohamed Morsi et le général Ahmed Chafik, s’autoproclament vainqueurs du scrutin, les militaires jouent la montre et laissent monter la pression dans la rue.

Une constitution sur mesure ?

Le report de l’annonce des résultats, initialement prévue pour le 21 juin, décidée par la commission électorale, ne fait que confirmer la crainte de beaucoup d’Égyptiens : une mainmise totale des militaires sur les affaires du pays. Un sentiment renforcé par le décret transférant les décisions législatives au CSFA. Une décision arrivant quelques jours après la dissolution de l’assemblée dominée par le parti islamiste des « Frères musulmans », interdits sous le régime Moubarak. De ce fait, les militaires se réservent eux-mêmes le droit de former une commission chargée de rédiger une Constitution tant attendue. De même, les militaires ont averti : le futur président verra son champ de prérogative restreint. La rue, comme les observateurs, crie au coup d’état !

Tout avait si bien commencé…

Pourtant, le premier tour de scrutin des 23 et 24 mai avait laissé entrevoir quelques espoirs. Le vote, qui avait réuni 50% du corps électoral, s’était déroulé sans accroc notoire et avait dégagé les deux finalistes attendus, Mohamed Morsi et Ahmed Chafik. Un processus démocratique salué par la communauté internationale alors que les soupçons quant aux réelles intentions du CSFA avait éveillé bien des réticences. Notamment du fait de la non-validation des candidatures d’Omar Souleimane, ancien chef des services secrets, et de Khairat al-Chater, numéro deux des « Frères musulmans ».
Las, la décision de la Haute cour constitutionnelle -à trois jours du second tour- de déclarer le Parlement « anticonstitutionnel » et sa composition « entièrement illégale » a sonné le glas des espérances quant à une transition complète du pouvoir du CSFA vers la société civile aux termes de ces élections…

Quelques jours seulement après le second tour, la place Tahrir -haut lieu de la révolution- grouille de monde comme aux plus grandes heures de la révolte de janvier 2011. Ce sont les Frères musulmans qui battent cette fois le pavé, sûrs de leur victoire et de leur bon droit. Mais, pour de nombreux Egyptiens, le choix entre une dictature militaire et un état islamiste, même modéré, représente un dilemme quasi insoluble.